Airbnb n’en finit pas d’agiter les autorités publiques dans les grandes villes du monde compte tenu du nombre toujours croissant d’appartements mis en location sur cette plateforme. La justice genevoise vient de rendre une décision à ce sujet, décision que nous détaille Cédric Lenoir, avocat spécialisé en droit immobilier.
Vous vous souviendrez peut-être que le Conseil d’Etat avait décidé en mars dernier de limiter à 60 jours la possibilité de mettre en location des appartements sur des plateformes équivalentes à Airbnb.
Cette restriction était intervenue par une modification du RDTR, soit le Règlement d’application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations. Ce règlement, édicté par le Conseil d’Etat, précise les modalités d’application de la LDTR dont le but est de maintenir le parc de logements locatifs à Genève compte tenu de la pénurie de logements.
Par principe donc, la LDTR interdit de convertir un appartement destiné à la location en une location meublée, ce qui équivaut à un changement d’affectation puisque l’appartement ne sert plus à loger des gens qui s’y domicilient mais à héberger à court terme des personnes de passage.
Dans ce contexte, le Conseil d’Etat considérait qu’il n’y avait pas de changement d’affectation si ces locations de courte durée étaient limitées à 60 jours par an (consécutifs ou non).
Cette décision n’a apparemment pas plu à tout le monde.
Effectivement. Un citoyen a décidé de recourir contre la modification du RDTR auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice dont le rôle est notamment de vérifier que les lois et règlement du Conseil d’Etat respectent les droits fondamentaux.
Le recourant considérait que le règlement litigieux ne donnait aucune définition du mot « plate-forme », qu’il restreignait de manière excessive le droit à la propriété et la liberté économique et qu’il ne reposait pas sur une base légale suffisante.
Quel a été l’avis de la chambre Constitutionnelle à ce sujet ?
Le Tribunal a réfuté la quasi-totalité des arguments soulevés pour des raisons qu’il serait trop long de développer ici. Cependant, les juges ont considéré que la limite de 60 jours posée par le Conseil d’Etat était excessive et qu’il fallait l’étendre à 90 jours.
Les juges se sont notamment inspirés des pratiques des autres grandes villes touristiques pour juger de l’adéquation de la limite posée, sans que l’on comprenne très concrètement ce qui a fondé son propre raisonnement.
Ce qui m’interpelle dans cette décision c’est que le Tribunal conclut en indiquant à juste titre, je cite, que « La chambre constitutionnelle n’a pas vocation d’être juge de l’opportunité des actes attaqués devant elle ». Et pourtant, alors que nous avons un parlement qui fait les lois et un gouvernement qui est censé en préciser les modalités d’application, ce sont des juges qui décident de ce qui leur apparaît opportun.
Il aurait été à mon sens plus judicieux d’annuler le règlement en renvoyant la copie au Conseil d’Etat pour qu’il statue lui-même sur l’opportunité d’étendre le délai de 60 à 90 jours.
Que faut-il tirer de cet arrêt pour le moment ?
Le recourant a fait recours au Tribunal fédéral contre cette décision qui n’est donc pas définitive. Cependant, l’administration a fait savoir qu’elle appliquerait une tolérance jusqu’à 90 jours par an le temps que le Tribunal fédéral se prononce sur la question. Encore une « genferei » de plus puisqu’il est désormais de coutume à Genève d’attaquer en justice tout ce qui peut l’être !