Début du procès ce matin à Genève de l’activiste du climat accusé d’avoir causé un dommage au Crédit Suisse. En octobre 2018, le jeune homme de 23 ans a apposé ses mains peintes en rouge sur la façade du siège de la banque lors d’une manifestation. Il a également collé des pages du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) pour symboliser les victimes du réchauffement climatique.
Ce mardi matin, l’avocate du jeune activiste a demandé à la juge du Tribunal de police une salle plus grande pour permettre à la cinquantaine de personnes venues soutenir l’activiste d’assister au procès. La juge a refusé cette requête ainsi que celle de faire comparaitre trois témoins. L’avocate voulait qu’ils viennent appuyer la thèse de l’existence d’un état de nécessité. Le danger du réchauffement climatique n’a pas pu être détourné autrement que par des moyens illégaux, selon Maître Leila Batou.
Interpellé à la fin de l’action, le prévenu, âgé de 23 ans, a été condamné par ordonnance pénale à 20 jours-amendes à 30 francs avec sursis. Il s’y est opposé pour obtenir un débat public, à l’instar des douze militants poursuivis pour violation de domicile pour avoir mimé une partie de tennis dans les locaux de CS à Lausanne et dont le procès retentissant a eu lieu en janvier à Renens.
« Avenir très incertain »
« L’action visait à toucher à l’image du CS, pas à créer un dommage », a expliqué mardi le prévenu. Par la suite, des groupes écologistes se sont positionnés contre les banques et leurs investissements dans les énergies fossiles, a-t-il précisé, tout en se disant étonné que le CS lui réclame 2250 francs de frais de nettoyage: « Nous avions choisi des peintures lavables. »
Plaidant l’acquittement, Me Batou a invoqué l’état de nécessité. Elle s’est basée sur les rapports du GIEC pour démontrer l’urgence climatique: « On est bien face à un danger immédiat qui menace des biens juridiques individuels » comme la vie et la santé, tant physique que psychique. Son client a abandonné ses études d’ingénieur agronome, n’arrivant pas à se projeter dans un avenir qu’il juge « très incertain ».
Alors que le prévenu est végétarien, ne prend plus l’avion et se déplace en transports publics, « CS et ses semblables mettent en échec tous les efforts des citoyens », a relevé l’avocate. Depuis 2015, date de la signature de l’Accord de Paris qui exige que les flux financiers soient compatibles avec la lutte contre le réchauffement climatique, la banque a augmenté ses investissements dans le secteur de l’exploitation des énergies fossiles extrêmes.
Rôle d’arbitre
De son côté, la Confédération n’a pas concrétisé cet accord dans la législation suisse. Les particuliers n’ont donc pas de moyen de se défendre. Pire encore, selon Me Batou, le Conseil fédéral mise sur une autorégulation du marché liée à la réputation des établissements: « Il permet aux banques de se gaver au détriment des générations futures. » Or CS génère indirectement 22 fois les émissions de gaz à effet de serre de la Suisse.
« La riposte ne peut qu’être collective et graduelle », a fait valoir l’avocate. Selon elle, l’action « mains rouges » a été efficace car visuelle. Elle a aussi contraint CS à sortir de sa tour d’ivoire et permis une recomposition du Parlement fédéral en octobre. « Depuis Renens, jamais la pression sur CS n’a été aussi forte. Il ne s’agit pas d’instrumentaliser la justice, mais de l’inciter à jouer son rôle d’arbitre. »
Contrairement au procès vaudois, le CS était représenté mardi. Il a demandé au Tribunal de police de confirmer la condamnation initiale. Pour le Ministère public, le débat doit être politique. Quant à l’avocate du CS, elle a relevé que sa cliente « comprend parfaitement la cause défendue par les activistes », sans tolérer les dommages à la propriété. Le verdict sera rendu jeudi.
ATS/ JMO