Oui, le coronavirus est pire que la grippe saisonnière. Alors que la Suisse enregistre son premier décès lié au Covid-19 dans le canton de Vaud, la dangerosité de ce virus est régulièrement remise en cause avec cette question : « en fait-on trop ? ». Pas pour le directeur de l’Institut de santé global de l’Université de Genève, Antoine Flahault. Interview.
Laurie Selli: Quels sont les défis à venir face au coronavirus?
Antoine Flahault: Il faut mieux connaître ce virus, savoir ce qu’il va faire. Nous n’arriverons pas à prédire aujourd’hui ce qui se passera dans les mois à venir, mais il faut s’y préparer. Sans prédire, on peut faire quelques scénarios, et se dire que ce coronavirus est totalement nouveau. Mais qu’il n’est pas totalement inconnu, nous avons des exemples d’épidémies qui ont eu lieu il y a quelques années, sur le SRAS, le MERS qui étaient aussi des coronavirus. Et puis nous avons également des exemples de pandémie de grippe. Le Coronavirus ressemble aujourd’hui beaucoup au début d’une pandémie de grippe.
LS: La grippe justement vous en parlez. Nous avons beaucoup de retour des gens qui nous disent que nous en faisons trop avec ce Covid-19, que la grippe tue plus de personnes chaque année que le coronavirus. Le coronavirus est pire que la grippe?
AF: Le coronavirus est pire que la grippe saisonnière. On a eu des pandémies de grippe. Si on veut faire des comparaisons avec des grippes pandémiques, oui, il y a eu des pandémies de grippe, par exemple en 1918. Évidemment c’est différent, il n’y avait pas de vaccins, il n’y avait pas d’antivirus. Mais nous n’avons pas de vaccins, ni d’antiviraux, aujourd’hui qui sont efficaces contre le coronavirus. Nous sommes dans une situation qui n’est, certes, pas semblable à celle de 1918, avec des hôpitaux beaucoup plus réactifs, performants, un personnel soignant aussi plus compétent, on a aussi une population – probablement – qui est en meilleure forme, bien que plus âgée, et on sait que ce sont des gens plus âgés qui souffrent le plus du coronavirus. Il va falloir les protéger. Mais on peut dire que nous ne sommes pas très loin aujourd’hui des caractéristiques de gravité et de diffusion de la pandémie de grippe espagnole de 1918.
LS: Est-ce qu’il faut s’attendre au pire, docteur?
AF: Je ne dis pas qu’il faut s’attendre au pire mais il faut se préparer en effet à ce type de scénario. En effet, peut-être que nous sommes un peu catastrophistes en disant cela, je le reconnais volontiers. Mais je pense que ce n’est pas très raisonnable, aujourd’hui, de minimiser le risque et la potentialité du risque.
LS: Justement, vous évoquiez certains scénarios, la Confédération a déjà mis en place certaines mesures, on pense notamment à l’interdiction des manifestations de plus de 1’000 personnes. Quelles pourraient être les prochaines mesures à venir?
AF: Si on fait cette comparaison, peut-être audacieuse avec la pandémie de grippe de 1918, on a eu en 2007 une publication scientifique très intéressante qui a analysé aux Etats Unis, les différentes politiques qui avaient été mises en place pour lutter contre l’épidémie de grippe espagnole à l’époque. Il n’y avait donc ni vaccin ni antiviral, donc ces mesures étaient dites non-pharmaceutiques. C’était la fermeture des écoles, des universités, c’était la limitation des déplacements des gens, les mises en quarantaine, parfois les cordons sanitaires que l’on voit en Italie ou que l’on a vu en Chine, puis c’était en effet la restriction des rassemblements de masse.
Et on s’est aperçus que toutes les villes américaines qui avaient mis l’ensemble de ces mesures en place le plus tôt possible et le plus longtemps possible avaient eu une mortalité très inférieure à celles qui ne les avaient pas mises en place, à une époque où l’on n’avait ni traitements, ni vaccins. Donc on peut dire aujourd’hui que les mesures que prennent nos autorités sanitaires sont de ce type, sont non-pharmaceutiques, sont les seules qu’ils ont à leur disposition, il n’y en a pas d’autres.
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